L’énigme Shaedon Sharpe : Le scouting report

Objet de toutes les spéculations ces derniers temps chez les fans du Thunder, Shaedon Sharpe est probablement le prospect le plus mystérieux de toute la cuvée. A vrai dire, il est celui qui rend cette Draft 2022 aussi excitante. Entre rumeurs, écrans de fumées, volonté de son clan de le cacher et manque d’informations ou de vidéos, il méritait bien qu’on lui écrive un scouting report à lui tout seul. Alors, Shaedon Sharpe : le futur meilleur joueur de la cuvée ou un exceptionnel coup de bluff de ses agents ?

Mais avant de rentrer en détail dans les qualités (et les défauts) du joueur, une légère remise en contexte doit être faite pour ceux qui n’ont pas trop suivi ce qui s’est passé ces derniers jours côté Thunder. Samedi dernier, le toujours très bien informé et pertinent Jonathan Givony de Draft Express sort un article sur la Draft parfaite pour le Thunder. Après bien évidemment avoir sélectionné Chet Holmgren en 2, vient le moment du pick parfait pour le 12, et là : Givony lâche une petite bombe. Bien loin de l’habituel Jeremy Sochan ou autre Ousmane Dieng, c’est bien Shaedon Sharpe le profil parfait pour le Thunder en 12. Lors de la justification de ce choix, Givony explique que le potentiel est incroyable, et que le récupérer en 12 serait un vrai beau coup pour le futur du Thunder. 

Mais ce qui a surtout retenu l’attention de toute la fanbase d’OKC, c’est bien ce passage :  »Le camp de Sharpe ne semble pas particulièrement inquiet de la position où il sera drafté, préférant la vision à long terme et un lieu avantageux pour son développement, où il pourra maximiser son potentiel et devenir un All-Star, avec le Thunder tout en haut de cette liste ». Ni une ni deux, tout le monde a commencé à s’emballer sur cette take, quitte parfois à ne pas lire ce qui est dit plus haut. Givony ne prédit pas que Sharpe va tomber jusqu’en 12, ce n’est pas le scénario actuel, comme il le dit lui-même  »Sharpe qui descendrait en 12 le soir de la Draft serait surprenant, mais pas inimaginable’’. Cela reste une éventualité mais on est très loin de voir cette théorie devenir une réalité. Malgré tout, si on ajoute à ça le fait que le Thunder est l’équipe qui a le plus visionné d’images de Sharpe, que ce dernier s’entraîne dans l’Oklahoma, qu’il a lui aussi lancé la ‘’👀’’ season lorsqu’on lui évoque le Thunder, cela fait beaucoup d’infos en quelques jours. De quoi relancer les espoirs de certains de le voir débarquer dans la nuit du 23 au 24 juin. Malgré tout, il faut pas s’emballer et croire, comme certains ont déjà pu le faire pour Sochan, que Sharpe sera le second choix du Thunder. Cela étant dit, il faut désormais le considérer comme une potentielle cible par Sam Presti, et comme le joueur est particulièrement énigmatique et suscite beaucoup d’excitation, il mérite son scouting report. 

Présentation

Déjà, pour comprendre la hype autour de Shaedon Sharpe mais aussi les sources d’inquiétudes, il faut faire un retour en arrière sur la personne en lui-même. Né le 30 mai 2003 à London… en Ontario, au Canada, il fait partie de cette classe de joueurs nés en 2003 et finalement reclassé pour se présenter un an plus tôt. C’est déjà un point à ne pas oublier : le joueur est incroyablement jeune. Pas le plus jeune de la cuvée, pas même le plus jeune de la future loterie (Griffin et Duren sont de la fin 2003), mais c’est tout de même un an de moins que Mathurin, que Johnny Davis, que Jaden Ivey, et plus jeune que Dieng, Branham, Daniels etc etc. D’abord intéressé par le foot, il va suivre un changement de carrière après une blessure au pied. D’ailleurs point important : le garçon est très proche de ses parents, qui ont sûrement un grand pouvoir décisionnel. Ce sont eux qui l’ont amené à changer de sport après sa blessure, qui ont fait énormément de sacrifices pour lui. D’ailleurs, lorsque Shaedon a décidé de rejoindre Kentucky, sa sœur est venu s’installer auprès de lui pour l’aider dans son adaptation.

Après avoir débuté dans sa ville natale, à la H.B Beal Secondary School, il décide de rejoindre la Sunsrise Christian Hoops, qui est une high-school qui fait partie du Nike Elite High School Program. Shaedon est donc déjà confronté aux meilleurs lycéens du pays et débarque dans un programme où tout est centré autour du basket. Il est d’ailleurs dans la même équipe que Kendall Brown, profil que l’on a scouté ici. Avec un tel programme, difficile d’avoir un meilleur cadre pour se développer. Après cette saison où il ne sera que finalement très peu utilisé, il va rejoindre pour sa saison senior le Kansas et la Dream City Christian School. C’est vraiment là qu’il va totalement exploser, en prenant un rôle prépondérant dans son équipe, évoluant à plus de 21 points et plus de 6 rebonds par match. Mais c’est surtout lors de l’EYBL (Elite Youth Basketball League), durant l’été 2021 qu’il se révèle aux yeux de tous les scouts : 22.6 points, 5.8 rebonds et 2.7 assists. Cela lui suffit pour être considéré comme une recrue 5 étoiles par tous les sites de recrutement, et pour être courtisé par toutes les grandes facs : Arizona, Kansas, Oklahoma State, tout le monde se bouscule pour le récupérer. C’est finalement à Kentucky que le canadien décide de poser ses valises, et c’est aussi là que l’énigme débute. 

Déjà, il y a le problème de son éligibilité pour la Draft 2022 qui a été remise en cause. En effet, il lui faut avoir son diplôme de high-school pour pouvoir s’inscrire. Et cela a pris du temps pour savoir si le joueur avait bien rempli tous les critères pour pouvoir l’obtenir, le problème étant qu’il a quitté le lycée en début d’année scolaire. Ensuite vient le problème Kentucky. Même s’il est enrôlé pour la franchise de l’horrible Calipari, il ne l’a finalement rejointe qu’en janvier pour leur  »spring camp ». Sauf qu’entre-temps, Kentucky s’est armé pour essayer d’aller loin au mois de mars. Avec un effectif pas du tout dans un mood de développement de jeunes, comme on l’a déjà dit lorsque nous avons scouté TyTy Washington, Shaedon Sharpe ne fait pas partie des plans de la fac. Il s’entraîne avec le groupe, est éligible pour jouer, mais ne joue pas. La situation peut paraître incongrue mais elle semble avoir été discutée en amont avec le joueur et ses parents. Le but : laisser à Sharpe un semestre d’entraînement avec UK sans le jeter directement dans le grand bain, pour ensuite lui donner complètement les clés du camion en 2022-2023. Seulement voilà, entre temps : le joueur s’est déclaré pour la Draft 2022. C’est donc un cas assez rare dans l’histoire de la draft NBA : Sharpe est sûrement le premier joueur drafté à n’avoir joué ni en NCAA, ni en G-League, ni à l’international depuis 2005, et l’époque où l’on pouvait encore directement passer de high-school à la grande ligue. C’est simple : le dernier vrai match disputé par Sharpe, c’était à l’été 2021, et il n’a techniquement jamais joué de match pro, même si la NCAA n’est pas considérée comme un ligue pro.

Voir des images de Shaedon Sharpe, c’est donc aller fouiller des archives datant de 2020, de 2021, et essayer d’en tirer une analyse sur son futur niveau NBA. Autant dire que l’analyser est probablement la tâche la plus complexe de cette Draft 2022. Si l’on veut vraiment le voir à un niveau international, il faut remonter en 2019 et le U16 Americas Championship, où il avait d’ailleurs été très solide avec le Canada (13/3/2) aux côtés de Caleb Houstan, Leonard Miller et confronté à Max Christie, Jalen Duren, AJ Griffin et Jabari Smith. Mais ces images datent de plus de 3 ans au moment où j’écris ces lignes, donc absolument pas les plus évocatrices du niveau de Sharpe aujourd’hui. Il faut être honnête : on ne peut pas scouter Shaedon Sharpe entièrement, à moins d’être une franchise NBA, et encore. Je pense que tout le monde aurait aimé voir ce qu’il donnait à Kentucky pour se faire une idée du prospect. Malheureusement, il n’en est rien et il faut accepter le fait qu’on est loin de tout savoir du profil. Malgré tout, cela veut-il dire que l’on ne peut rien tirer de ce que l’on est en mesure de voir de Shaedon Sharpe ? Absolument pas. Les images, bien qu’incomplètes, nous permettent déjà de comprendre un peu qui est le joueur, avec ses immenses qualités, ses défauts, et ses points d’interrogations.

Son jeu individuel

Déjà commençons par les bases : les mensurations de Shaedon Sharpe. Lors du Combine, il a  été absolument ridicule de facilité, terminant à 2 mètres 62 de haut pour le test de verticalité. De la dynamite dans les mollets, d’autant plus que le jeune n’est pas le plus grand (1.96), ni le plus gros (89kg). Par contre, avec 212 centimètres d’envergure, il a des bras immenses pour sa taille. En terme de taille/poids/envergure, on est sur du Nickeil Alexander-Walker avec des bras un peu plus grands, le physique parfait pour un 2/3. Et c’est d’ailleurs la première chose qui saute aux yeux lorsque l’on regarde des images de Shaedon Sharpe : son explosivité. A chaque fois qu’il doit monter au panier, appel un ou deux pieds d’ailleurs, le joueur semble le faire sans aucun effort, totalement naturellement. En plus de cela, le joueur est créatif et n’a pas peur du contact. Pour moi, on est déjà un niveau Jalen Green en terme de combo créativité/explosivité, et je pense que Shaedon Sharpe risque de faire mal à plus d’un père de famille lorsqu’il fera son entrée dans la grande ligue. Le joueur est d’ailleurs fan de dunks en transition, mais il est aussi une menace sur les lobs ou souvent après un cut qui lui permet de s’approcher près du panier. Pas surpris s’il fait partie des joueurs les plus spectaculaires de la cuvée, ou qu’il obtienne rapidement une invitation au dunk contest.

Regarder Shaedon Sharpe driver, c’est encore le voir parfaitement utiliser ses qualités naturelles : on est ici en face d’un finisseur au cercle incroyablement complet pour son âge qui, quand il ne peut pas dunker, est un parfait alliage de toucher, hang time et de body control, le tout à un gros échantillon. J’ai déjà pu scouter une quinzaine de joueurs pour écrire ces articles, et aucun ne m’a paru aussi impressionnant et aussi à l’aise pour finir près du cercle. Contexte high-school oblige ? Peut-être, mais avec de telles qualités physiques, il est impossible de ne pas avoir cet aspect du jeu se transposer day one en NBA.

J’ai parlé du fait que Sharpe avait d’abord débuté par le soccer, et c’est là où faire des recherches sur le passé du joueur est utile, parce que lorsque l’on sait cela, on comprend tout de suite pourquoi il possède l’un des tout meilleurs footwork de la cuvée. Que ce soit déplacement gauche-droite ou inversement, Sharpe est parfaitement à l’aise, peut-être déjà au niveau d’un pro. 

Tout ceci se retranscrit bien lorsqu’il est balle en main : on a affaire à un joueur conscient de ces qualités physiques et techniques, et qui utilise cette combinaison de taille/footwork pour essayer de se créer son tir. Tout y passe : side-step, step-back (notamment sur sa droite), et même des déclarations pour se créer son tir. Tout ça n’est possible qu’avec un joueur aussi doué dans tout ce qui est skillset. Pour quelqu’un qui a eu 19 ans il y a 2 semaines, c’est très fort. 

Sa capacité de shotmaking de manière globale est quelque chose que j’ai beaucoup apprécié. Le joueur n’a peur de rien, est capable de prendre un pull-up 3 mètres derrière la ligne, de monter sur le pivot adverse, de tenter un step-back compliqué, et souvent de rentrer ces tirs. On est d’ailleurs parfois à la frontière entre la confiance et le croquage, mais c’est une qualité (ou un défaut) assez commun chez beaucoup de prospects évoluant comme lui, à la différence près que Sharpe leur est supérieur en terme de shotmaking.

Pour ce qui est du tir extérieur, il y a un vrai upside. Pas grand-chose à signaler concernant sa mécanique de tir, on est en face de quelque chose de propre, même s’il y’a mieux dans cette cuvée 2022. Pour ce qui est de la réussite, il a cartonné les défenses de loin durant l’EYBL, en tournant à 36.4% pour quasi 6 tentatives. Et là je ne parle pas de catch and shoot grand ouvert dans le corner, je parle de tirs difficiles, tentés en pull-up, souvent en sortie de dribble, défendus. C’est d’ailleurs peut-être dans ce domaine qu’il paraît être le plus à l’aise de loin, plus qu’en catch and shoot, un petit peu comme Harden, toute proportion gardée. Sharpe a besoin d’avoir la balle en main avant de tirer, a besoin de ces quelques dribbles pour se mettre en rythme et pour sanctionner. En C&S, je crois en la progression : le joueur a déjà montré une bonne capacité à tirer en mouvement, je ne vois pas ce qui pourrait l’empêcher de s’améliorer sur ce point, même s’il restera selon moi plus un shooter en sortie de dribble qu’un véritable sniper caché dans un corner. 

Tout ça c’est bien beau me direz-vous mais quelles sont les défauts du jeu offensif de Shaedon Sharpe ? Et bien il y en a deux. Déjà, le joueur est athlétique, mais il a un problème de premier pas. En effet, ce dernier n’est pas le plus rapide et ne lui permet pas de créer la séparation qui lui permettrait d’aller au panier et de finir avec un gros dunk. Cela peut le désavantager dans le futur, notamment face à de gros défenseurs. Je ne sais pas s’il pourra d’ailleurs améliorer ce point qui, finalement, est le seul point noir au niveau physique. Il va devoir apprendre à compenser ce manque de vitesse sur le premier pas par plus de technique et un meilleur handle. Car oui, j’ai dit qu’il était à l’aise balle en main, mais il a de quoi encore largement progresser dans ce domaine.  Malgré les qualités évidentes, Shaedon Sharpe semble avoir parfois du mal à aller là où il veut sur le parquet, et s’est trop de fois vu sanctionner de ce mauvais handle par une perte de balle. 

Est-ce pour autant impossible à améliorer ? Non, mais il va devoir faire de gros efforts dans ce domaine, sur des points spécifiques, sous peine de ne jamais se développer pleinement. En effet, si vous prenez le manque de vitesse dans le premier pas et le handle encore limité, vous obtenez un joueur qui ne peut pas créer l’espace pour son tir comme le fait bon nombre de superstars.

Au final le jeu offensif individuel de Shaedon Sharpe est particulièrement prometteur : joueur avec une confiance, une technique et une explosivité qui semble sans limite et déjà capable de tirer tout en ayant une importante marge de progression. Des critères qui semblent cocher le potentiel All-Star du bonhomme, encore faudra t-il travailler sur le handle, pour moi le swing factor ultime chez lui. Si c’est le cas, offensivement il sera extrêmement sérieux.

Son jeu collectif

Pour ce qui est de son jeu collectif, c’est plus difficile à analyser, et c’est peut-être là où le contexte de Kentucky manque le plus, bien qu’avec TyTy Washington et Sahvir Wheeler, pas sûr que l’on aurait vu grand-chose dans ce domaine. Déjà un domaine dans lequel il est plutôt rassurant, c’est qu’en EYBL ou bien durant sa saison de high-school, il a à chaque fois eu plus de passes que de pertes de balle, tournant respectivement à 2.7 et 3 assists contre 1.5 et 1.2 turnovers. Est-ce que Shaedon Sharpe a un upside à la passe autre que celui d’un passeur fonctionnel + ? Comme beaucoup de ses camarades de la cuvée 2022, probablement pas. Malgré tout, j’ai pu voir des choses intéressantes et assez frustrantes car peu exploitées. 

Dans sa gestion du pick and roll, ce qui finalement sera la chose qu’on lui demande le plus de faire, j’ai vu un joueur encore trop individuel. Trop individuel dans le sens où il utilise surtout le P’n’R comme un moyen de scorer, et assez peu comme un moyen de servir un coéquipier. En effet, la plupart du temps c’est pour aller vers le panier, et ainsi profiter de la séparation créée par l’écran qu’il ne peut pas se créer lui-même par son dribble ou par son premier pas. Malgré tout, lorsqu’il se décide à créer, il y a des choses intéressantes. Sur pick and roll donc, où il est capable de servir l’intérieur qui vient rouler ou de ressortir pour un tireur, mais aussi en transition où il est finalement assez précis et commet peu d’erreurs de jugement et de lecture. Mais ce que je trouve le plus intriguant chez lui, c’est sa capacité à faire la passe alors qu’il drive. Si vous allez chercher de simples highlights de Sharpe, vous allez trouver ces fameuses passes où il drive et ressort alors qu’il est encore en l’air (pouvoir rester aussi longtemps loin du sol aide bien aussi). Je ne sais pas comment ces passes pourront être exploitées en NBA, mais il y a là un vrai talent qui ne demande qu’à être utilisé.

Sharpe dans la création se rapproche finalement de tous les arrières/ailiers modernes : des passeurs qui savent a minima lire le jeu sans jamais être flamboyant. A la différence près que Sharpe me semble avoir moins de déchets et un poil plus de créativité que des Hardy ou bien des Mathurin, Davis etc etc. De toute façon, je ne suis pas convaincu qu’on lui demandera de beaucoup créer en NBA.

Sa défense

J’ai gardé le plus gros défaut pour la fin. Cela n’est pas tant un souhait de donner une dernière image négative mais il faut être très honnête concernant la défense de Shaedon Sharpe : elle est absolument désastreuse. Désastreuse mais bien plus que cela, énervante. Avec de tels attributs physiques, Sharpe ne peut pas rendre une aussi mauvaise copie défensivement.

On est ici face à un joueur qui n’est absolument pas concerné par ce qui se passe de ce côté du terrain. Que ce soit sur le porteur ou bien off-ball, il a cruellement manqué de discipline et d’envie, devenant un vrai poids pour ses coéquipiers. Un petit peu comme pour son premier pas, la vitesse latérale n’est pas non plus exceptionnelle, mais il devrait être en mesure de tenir du 1 au 3, ce qu’il ne fait absolument pas. D’autant plus que lorsqu’il se décide à réellement défendre, il est là encore très prometteur, notamment dans tout ce qui est du contre en venant en aide, où de par sa ridicule détente, il est très difficile de lui monter dessus ou de ne pas se faire cueillir par un contre par-derrière. Même pour ce qui est de la défense sur le porteur ou de jouer les troubles-fêtes sur les lignes de passes, il y a quelque chose à exploiter, mais ce que j’ai vu est encore bien trop loin de ce qu’il est capable pour dire qu’il sera un bon défenseur.

Malgré tout, j’ai envie de me faire l’avocat du diable sur ce sujet. Pourquoi ? Parce que Sharpe n’est pas le premier à être un joueur flemmard en défense. A vrai dire, ils sont un peu tous les mêmes dans cette cuvée 2022 : des ailiers scoreurs qui ne défendent pas un plot, dieu sait qu’il y’en a et qu’une partie (Mathurin, Griffin, Davis) seront des lottery picks. Est-ce que tu as envie d’avoir ce genre de mentalité chez un rookie ? Non. Est-ce que pour autant c’est rédhibitoire ? Je ne pense pas. Encore une fois, tout est une question de contexte et de mentalité dans la franchise où le joueur va tomber. Pour certains, ça peut les transformer, pour d’autres les conforter dans le fait que la défense, c’est surtout réservé aux autres.

Son fit avec le Thunder

Le contexte donc, quel serait-il si Sharpe venait à débarquer au Thunder ? J’ai envie de dire qu’il serait très bon, et que les deux parties le savent. Si on se met du côté du joueur, on comprend assez facilement pourquoi le Thunder se retrouve tout en haut de la liste : franchise sans réelle pression médiatique, qui donne du temps de jeu à ses jeunes tout en ne les pénalisant pas s’ils font des erreurs, le tout avec un projet inscrit sur la durée qui laisse le temps aux joueurs d’éclore à leur rythme. En plus de cela, OKC est réputé pour sa mentalité défensive, et Sharpe ne pourra que se remettre dans le bon sens mentalement aux côtés d’un Luguentz Dort et coaché par Mark Daigneault. Est-ce qu’il y a beaucoup de franchises où l’environnement serait plus approprié pour le développement à long terme de Sharpe ? Hormis Indiana et peut-être San Antonio, je ne vois pas.

Pour ce qui est du fit avec le reste de l’effectif, je ne suis pas complètement persuadé. Déjà, s’il est drafté par Sam Presti, je ne vois pas Sharpe débuter sa carrière NBA en tant que starter. Avec un trio constitué de Josh Giddey, de Shai Gilgeous-Alexander et de Luguentz Dort, difficile de voir ce qui pourrait justifier de mettre Sharpe starter au premier match de la saison 2022-2023. De plus, je ne suis pas sûr que ce serait lui faire un cadeau. En effet, j’ai des doutes sur le fait qu’il sera efficace dès son arrivée, et je le vois plus comme un joueur très talentueux mais encore très brouillon et avec beaucoup de déchets, un peu comme le début de saison de Green, la qualité offensive un cran en-dessous tout de même. L’utilisation de Sharpe se ferait donc en tant que back-up poste 2/3, où il devrait évoluer aux côtés de Tre Mann sur le back-court. Jouer avec Mann serait un moyen de lui enlever un petit peu de pression en attaque, ne pas en faire ton unique scorer en sortie de banc, tout en ayant quand même l’espace suffisant pour montrer ses qualités.

Pour ce qui est de sa complémentarité avec les titulaires, je demande encore à voir. Le jeu de Sharpe est encore très axé sur le tir après un dribble, ou un drive après un dribble… bref sur lui qui doit avoir la balle en main pour créer. C’est d’ailleurs comme cela que l’on pourra juger s’il a vraiment tout le potentiel qu’on lui prétend. Malgré tout, aux côtés d’un Josh Giddey qui joue très peu off-ball et d’un Shai qui joue très peu off-ball, même en sélectionnant en 2 un Chet qui peut lui demander moins de ballons… je demande à voir. Je pense qu’il lui faudra développer son jeu off-ball, notamment ce qu’il a montré sur les cuts ou sur la capacité à tirer en mouvement pour être réellement complémentaire en attaque du duo du futur, tout en lui laissant des actions où il sera balle en main de temps en temps pour débuter, puis de plus en plus s’il progresse. Défensivement aussi j’ai mes doutes, car remplacer un Dort par un Sharpe revient à passer du sac Channel à celui que l’on trouve dans un magasin à 2€. Shai a beau avoir progressé et Giddey a beau avoir une marge, l’équilibre défensif du back-court ne tient que lorsque Dort est présent. Sans lui, tout s’écroule.

Parlons-en donc de cette association Sharpe/Dort. Si on estime que Giddey et Shai vont occuper les postes 1 et 2, ça nous fait un spot pour deux joueurs très différents : Sharpe s’annonce comme un joueur offensif fabuleux, Dort est calibre all-defensive. Et si je pense que Dort apportera à Sharpe défensivement, du mal à voir comment les deux pourront cohabiter sur un paquet. La seule solution que je vois, c’est de refaire ce qui avait été fait durant la bulle : un Dort au poste 4 en poseur d’écran. Cela s’était avéré plutôt efficace face aux Rockets mais qu’en est-il face à des défenses plus grandes et sur un échantillon plus long ? Difficile à dire, d’autant plus qu’il faudrait pour cela un vrai 5 de métier, imposant physiquement, ce que n’est pas Chet ou Bazley, qui manque de taille. Le pick 34 pourrait venir résoudre ce problème si l’on parle d’un Koloko, mais une chose est évidente : OKC devra adapter son 5 et virer dans le moins orthodoxe s’il veut pouvoir faire cohabiter Giddey, Shai, Sharpe et Dort. Malgré tout, si on suit la logique ultime du Thunder qui est un five-out avec que des ball-handler, ça peut faire sens.

Faut-il trade-up pour lui ?

Ce qui est pratique avec Shaedon Sharpe, c’est que personne ne sait où il va partir. Il suffit de voir la récente FAQ de Wasserman qui dit que le range de Sharpe est de surprise en 4 à une fin de loterie, donc le Thunder avec le pick 12. Cela s’explique bien évidemment par le fait qu’il n’a pas joué avec Kentucky, mais aussi par le fait que son clan est assez récalcitrant à l’idée de donner toutes les infos aux franchises. Pas présent lors des workouts du Combine, Sharpe n’a (officiellement) réalisé qu’un seul workout : pour les Hornets. Cependant, il devrait en effectuer d’autres dans les jours à venir, notamment du côte de New Orleans, de Washigton ou d’Indiana. C’est probablement ces workouts et la façon dont Sharpe va jouer qui décideront de son range. Cependant, est-il réaliste de croire qu’il sera encore là en 12 ? Pour moi non. Le joueur a trop de talent pour que 11 équipes préfèrent le laisser passer à cause de certaines incertitudes. Est-ce que cela veut dire pour autant qu’il sera pris en 4 ? Je ne crois pas non plus. Le garçon est encore trop brut et n’est pas vraiment le profil recherché par des équipes visant des joueurs utiles dès maintenant.

Pour moi, c’est à partir du pick 5 qu’il est un sérieux candidat. Si c’est là où il part, alors impossible de le récupérer. Cependant, s’il passe les Pacers en 6, là on peut commencer à réfléchir à trade-up. On a vu que le GM des Pels était de passage à Istanbul pour aller voir Micic, signe que des talks sont sûrement en cours en vue d’un éventuel swap 8 contre 12 + Micic + sûrement d’autres trucs. Ces dernières rumeurs viennent d’ailleurs d’être confirmées par Givony, qui déclare que le Thunder est très agressif pour monter dans le « mid-loterie » avec pour objectif Sharpe, ce même Sharpe qu’il envoie aux Pels avec le pick 8. Même en connaissant la capacité de Sam Presti à nous surprendre, j’ai peu de doute dans le fait que si Sharpe est encore là en 8, le Thunder le draftera. Mais, un petit peu comme pour le pick 1, il faudra des circonstances que le Thunder ne peut gérer pour que ce scénario puisse se produire.

Malgré tout, vaut-il le coup de trade-up s’il est encore là en 7 ou 8 ? Pour moi oui. Dans une cuvée qui manque globalement de très gros talent, en avoir comme celui de Sharpe en fin de top 10 s’avère être assez inespéré. Au pire, c’est un pari raté mais qui valait le coup d’être tenté, au mieux c’est récupérer un joueur qui a tout le talent pour monter jusqu’à un niveau all-star, voire même pour être à terme le meilleur joueur de la cuvée. Cependant, je ne pense pas que Sharpe soit mon premier choix pour trade-up. Le profil offensif est exceptionnel, mais il demande pour moi une adaptation de tes rotations et de tes 5 très importante, et je ne suis pas sûr qu’il vaille toutes ces adaptations, aussi talentueux qu’il est. Je l’ai déjà dit, un joueur comme AJ Griffin est pour moi exactement tout ce qu’il faudrait au Thunder, et est à mon sens encore plus talentueux que Sharpe. Mais honnêtement, il n’y a bien que pour ces deux joueurs que je suis prêt à monter en 7 ou 8.

Dans ce rush final pour la Draft, Sharpe reste encore un joueur mystérieux : sur le papier, on a affaire à un monstre athlétique qui a le potentiel pour être un joueur all-star, mais il subsiste malgré tout un certain nombre d’interrogations qui peuvent refroidir les GM. Les appels du pied et les liens entre Sharpe et le FO du Thunder semblent être se multiplier lors de ces derniers jours/heures, mais ce mariage ne dépendra pas que des deux acteurs que je viens de citer. Ou alors tout ceci n’est qu’un gigantesque écran de fumée de la part de Sam Presti, coutumier du genre. Un seul moyen de connaître la réponse : être devant la Draft dans la nuit du 23 au 24 juin prochain.

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